SOCIÉTÉ. Au printemps 2022, la Corporation de développement économique (CDE) de Val-Alain avait mis en place un programme de dons de terrain. Parallèlement, la Municipalité avait mis en vente d’autres terrains à 0,95 $ du pied carré. La nouvelle rapportée dans les médias nationaux en juin 2022 a attiré l’attention de la Commission municipale du Québec (CMQ) et de la Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale (DEPIM). Dans un rapport déposé le 5 janvier, la DEPIM conclut qu’un «acte répréhensible a été commis à l’égard de la Municipalité.»
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Ainsi, «la Municipalité fait indirectement ce qu’elle ne peut pas faire directement», a tranché la DEPIM. L’organisme devient donc un outil de la Municipalité par ce que la CDE de Val-Alain est «intimement» liée à elle. L’enquête de l’organisation a donc porté sur la nature de la relation entre Val-Alain et la CDE, mais aussi sur l’implication de la municipalité dans les programmes de don de terrains et de subventions liées à de nouvelles constructions résidentielles et commerciales.
Afin de prouver le lien entre les deux entités, la DEPIM se réfère à différentes résolutions adoptées par le conseil municipal. «Par les termes utilisés et les mandats donnés, il est clair que la CDE se voit dicter certains de ses mandats par la Municipalité, et les termes sont explicites quant au fait qu’elle constitue un organisme relevant de la Municipalité», ajoute la DEPIM.
D’ailleurs, l’organisation ajoute qu’à moins d’exceptions prévues par la loi, il n’existe pas de possibilité qui permet à une municipalité d’accorder une aide financière pour favoriser la construction de nouvelles résidences ou l’arrivée de nouveaux résidents «notamment par le don de terrains, comme l’a fait la Municipalité par l’entremise de la CDE. En l’espèce, la Municipalité ne bénéficie d’aucune exception dans la loi qui lui permettrait d’effectuer le don de ses terrains par l’entremise de la CDE. Il en est de même pour les subventions accordées aux entreprises pour les constructions commerciales neuves. Ces subventions vont à l’encontre de la Loi sur l’interdiction de subventions municipales.»
La Municipalité réagit
Du côté de la Municipalité, le maire de Val-Alain, Daniel Turcotte, accueille les recommandations faites et assure que des décisions seront prises pour s’y conformer dans les délais prescrits.
Il affirme cependant que la Municipalité et la CDE avaient pris des précautions afin de s’assurer de la légalité du processus. «Nous avons consulté fréquemment les instances juridiques chacun de notre côté. On fonctionnait avec un avocat, un notaire pour marcher dans la légalité. Est-ce qu’il y a eu des erreurs ? C’est bien possible, mais aux yeux de la CMQ ce n’était pas assez. Nous étions convaincus que tout était légal», a plaidé Daniel Turcotte.
Quant aux liens entre la Val-Alain et la CDE, le maire rappelle que la municipalité compte moins de 1 000 habitants et que ce sont souvent les mêmes personnes qui s’impliquent partout, contrairement à des villes plus grandes qui profitent d’un plus grand bassin de bénévoles.
«Les administrateurs de la CDE, ce sont tous des bénévoles qui s’impliquent dans la communauté. Avec ce que nous venons de recevoir comme rapport, ce qui m’inquiète, c’est d’avoir un exode des membres de la CDE», a déploré Daniel Turcotte. Il croit également que le gouvernement devrait revoir le cadre législatif afin de donner un peu plus de latitude aux petites municipalités qui souhaitent freiner leur dévitalisation.
«Si nous ne réussissons pas à revitaliser notre milieu c’est clair qu’il y aura des répercussions sur les taxes et les services aux citoyens. C’est la réalité de tous les petits villages et pas seulement de Val-Alain. Quand on essaie de se retrousser les manches pour survivre, on se fait bloquer et c’est dommage.»
Ce rapport est d’autant plus frustrant, ajoute-t-il, qu’il y a eu d’autres programmes de don de terrains par des organismes à but non lucratif dans plusieurs petites municipalités. Par exemple, en avril 2016, il y a eu un programme similaire de don de terrains par la Corporation de développement économique de la municipalité de Saint-Louis-de-Blandford, dans le Centre-du-Québec. Cette initiative avait même été saluée par le ministère des Affaires municipales de l’époque.
Recommandations
La DEIPM demande à Val-Alain de cesser le don de terrains appartenant à la CDE et d’arrêter les subventions de la CDE pour les constructions commerciales et résidentielles neuves.
Quant aux liens entre la Municipalité et la CDE, l’organisation offre deux possibilités à Val-Alain, soit de s’assurer que la CDE devienne une entité indépendante autant pour la gestion que pour le financement et qu’elle subventionne uniquement des mandats qu’elle a légalement le droit de subventionner. Une autre option proposée par la DEIPM est que la Municipalité cesse de subventionner un organisme qui, indirectement, utilise des fonds publics municipaux à des fins non permises à une municipalité.
Val-Alain a jusqu’au 17 février pour se conformer aux demandes de la DEIPM.
Pour lire le rapport : *Rapport-enquete-Val-Alain.pdf (gouv.qc.ca)