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«C’est une population qui a un risque élevé de vivre de la détresse en lien avec le stress et l’anxiété. C’est quelque chose de commun dans ma pratique», a expliqué Mme Bolduc. Depuis trois ans, par le biais de l’organisation Au cœur des familles agricoles (ACFA), elle veille, avec une collègue, au bien-être des agriculteurs de Chaudière-Appalaches.
Dans la région, on retrouve principalement des producteurs laitiers, porcins et acéricoles. Ils constituent la principale clientèle qu’elle rencontre et leurs préoccupations sont communes. Elles touchent autant la relève, les difficultés financières, la réponse aux exigences gouvernementales ou à la hausse des tâches administratives. Les événements météo extrêmes mettent aussi les producteurs à rude épreuve.
Pour les plus jeunes, le défi réside dans l’acquisition d’une terre dans un contexte de prix à la hausse et d’important taux d’intérêt.
Dans tous les cas, les agriculteurs doivent être polyvalents afin de résoudre les problèmes qui se présentent ce qui peut mener à du surmenage. «Il y a aussi des préoccupations personnelles et la conciliation entre les deux est complexe. Ces personnes travaillent avec leur famille et leur conjointe. C’est une situation où la conciliation peut devenir difficile», a rajouté Lysa-Pier Bolduc. Ces conflits familiaux autour de l’entreprise prennent une grande place dans son travail.
Remise en question
Devant ces difficultés, certains se questionneront sur leur avenir agricole. L’abandon de la profession est une situation «de dernier recours», assure Mme Bolduc, mais elle fait partie d’un processus de réflexion beaucoup plus large.
«Certains vont diminuer leur production, d’autres se diversifier. Il y en a qui essaieront d’aller se chercher une qualité de vie en ajoutant de la machinerie. Ils trouvent des solutions à la portée de leur portefeuille.»
Ceux d’entre eux qui iront chercher de l’aide auront de meilleures chances de passer à travers les difficultés, ajoute Lysa-Pier Bolduc.
Deux rôles
Le travailleur de rang peut aussi agir en amont, en faisant de la prévention auprès des agriculteurs, en prônant l’adoption de saines habitudes de vie, par exemple. Elle les sensibilise à l’importance de la santé mentale et celle de mettre en place un filet de sécurité qui sera là en cas de nécessité.
De l’autre côté, Lysa-Pier Bolduc accompagnera les producteurs agricoles dans la détresse psychologique qu’ils vivent autant professionnellement que personnellement.
«La détresse psychologique est un large spectre. Pour certains elle sera en lien avec une situation. Ils vont mettre en place des moyens pour y répondre et ça ira mieux rapidement. Pour d’autres, elle est complexe et multifactorielle. Ça prendra plus de temps. C’est un travail personnel qu’ils font», explique Mme Bolduc.
Cette dernière peut également accompagner les producteurs dans la recherche de ressources en santé mentale auprès du Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches (CISSS-CA).
«Nous évaluons avec la personne ses besoins. Nous suggérons les options qui nous apparaissent cliniquement adaptées au besoin et nous convenons avec l'usager de l'orientation. […] Nous sommes très sensibles à la détresse de ce groupe de travailleurs et nos intervenants considèrent ce critère dans leur évaluation. Nous avons aussi une très bonne collaboration avec les travailleuses de rang de l'ACFA, dont une entente de référencement qui facilite la démarche pour cette clientèle», a fait savoir le CISSS-CA par courriel.
L’organisation ajoute que ses différents intervenants sont formés pour faire face aux enjeux des producteurs. De plus, le CISSS-CA forme des Sentinelles dans les milieux agricoles. «Elles sont outillées et formées afin de repérer un agriculteur en détresse, savoir quoi faire, quoi dire et comment le convaincre d’obtenir de l’aide.»