À lire aussi : Des directrices municipales sonnent l’alarme
Sur les 524 directeurs qui ont répondu à l'enquête, 53 % ont soutenu avoir vécu de l’intimidation ou du harcèlement provenant de citoyens au cours des cinq années précédentes. De plus, 55 % d’entre eux ont aussi affirmé qu’ils songeaient à quitter leur organisation, et dans certains cas, la profession.
Cette situation est inacceptable pour le directeur général de l’ADMQ, Marc-André Palin. «On parle beaucoup des élus qui ont subi des situations inadmissibles qu’on doit dénoncer, mais il ne faut pas oublier les gestionnaires municipaux.»
Il rappelle qu’ils sont en première ligne pour recevoir ce mécontentement qui se manifeste n’importe où comme au bureau municipal (75,8 %), par téléphone (58,5 %), aux séances du conseil (39 %), par courriel (33,2 %) et sur les réseaux sociaux (27,17 %). Pour 5,8 % des répondants, le harcèlement se poursuit jusqu’à leur domicile.
Les paroles blessantes ou humiliantes (59 %), les rumeurs, la diffamation ou les mensonges (53 %), les injures (49 %), les cris (47 %) et les menaces (41 %) sont les principales formes de harcèlement ou d’intimidation identifiés.
Annuellement, 10 % des directeurs généraux vont renoncer au domaine municipal pour différentes problématiques internes et avec les citoyens. De plus, de 2019 à 2023, 670 directeurs généraux ont quitté pour la retraite, ce qui a engendré une nouvelle vague de directeurs. «Trouver un directeur, greffier et trésorier qui a une expertise, la connaissance et la compétence d’exercer plusieurs fonctions c’est difficile, ce n’est pas anormal qu’il y ait un roulement.»
Cependant, cela amène des conséquences. «Les projets n’avancent pas, les demandes de subvention ne sont pas faites et la municipalité tourne en rond. Tout ça c’est coûteux», rappelle M. Palin.
De nombreuses sources
Marc-André Palin souligne que les sources de mécontentement sont multiples. Les résultats du sondage montrent que les travaux gérés par la municipalité (43,5 %), les taxes municipales et les droits de mutation (39,16 %), les modifications réglementaires (30,8 %) et les nouveaux projets à venir (29,66 %) sont les principaux irritants pour les citoyens.
L’appareil municipal est une créature complexe régie par 42 lois et 42 règlements, explique-t-il. Les fonctionnaires doivent les appliquer sur une base quotidienne avec des échéances strictes. S’additionnent les règlements municipaux qui encadrent les permis, le développement, le zonage, etc. C’est sans compter que souvent, précise M. Palin, le directeur général va porter plusieurs chapeaux dans les petites municipalités : greffier, trésorier, coordonnateur des mesures d’urgence, accès à l’information, communication, appels d’offres, par exemple.
«Ce n’est pas simple pour le citoyen qui veut avoir un service d’embarquer dans cette sphère extrêmement rigide où il y a peu de marge de manœuvre», mentionne-t-il, ajoutant que le directeur général ne fait qu’appliquer la réglementation et est la courroie de transmission entre les citoyens et le conseil.
Réseaux sociaux
Les réseaux sociaux deviennent une chambre d’écho où ces citoyens partagent leur mécontentement envers les décisions et les employés de la municipalité. «Ils vont se plaindre ou poser des questions au lieu d’appeler à la municipalité, à la source pour avoir la bonne information. […] Ils vont faire des campagnes de dénigrement sur les réseaux sans connaître l’ensemble du dossier ou des règles. Il y a une incompréhension du système», spécifie M. Palin.
Parfois, la discussion avec le citoyen peut calmer les choses tout comme la visite de policiers qui expliquent les conséquences des menaces sur les médias sociaux. Pour d’autres, ces approches sont inutiles, mentionne M. Palin.
Éducation
Le fonctionnement de l’appareil municipal devrait être enseigné au secondaire, croit Marc-André Palin. Cela permettrait d’outiller les jeunes à leur future vie de citoyen.
«Il faut des outils pédagogiques pour informer les citoyens. Les gestionnaires municipaux ce sont des alliés. Ce sont eux qui peuvent les guider à travers la réglementation complexe et ardue, leurs droits. Quand le citoyen prend le gestionnaire municipal comme cible, personne n’est gagnant», affirme-t-il.