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Dossier itinérance

«L’itinérance, ce n’est pas un choix»

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Le 55 a changé la vie d’Alain et Jay. Photos : Érick Deschênes

16 nov. 2023 07:02

Chaque jour, le Centre aide et prévention jeunesse (CAPJ) vient en aide aux personnes itinérantes de la région grâce à deux services : le 55 (espace d’accueil ouvert en journée et en soirée) et le Refuge Roger-Cantin (hébergement d’urgence de nuit). Alain et Jay ont pu profiter de ces services au cours des dernières semaines et ont pu sortir de la rue grâce à l’aide des travailleurs du CAPJ. Les deux hommes ont bien voulu partager leur expérience au Journal.

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Alain, 49 ans, avait une vie bien rangée dans une autre région du Québec quand sa vie a été chamboulée par une rupture amoureuse. Du jour au lendemain, le quadragénaire est devenu itinérant. À la suite de déplacements, Alain est arrivé dans la région de Québec. «Tombé en amour avec Lévis», l’homme a alors traversé le fleuve et a dormi plusieurs nuits à la belle étoile, à proximité d’espaces publics lévisiens. 

«Quand je suis arrivé à Québec, je suis allé à L’Auberivière, mais il y avait trop de personnes avec des problèmes de santé mentale. Ce n’était vraiment pas ma place. J’avais déjà visité Lévis et je m’en suis venu ici parce que c’est ici que je voulais (refaire ma vie). […] (Avant que le 55 entre dans ma vie), j’ai donc dormi à l’extérieur plusieurs nuits. L’itinérance, ce n’est pas un choix. La plupart des personnes itinérantes se cachent. Une fois, je pensais être seul dans un boisé à Lévis et quand je me suis réveillé le matin, il y a trois autres personnes qui se sont réveillées en même temps que moi et que je n’avais pas du tout entendues auparavant», illustre Alain.

Pour sa part, Jay, 21 ans, a vécu plusieurs épisodes d’itinérance depuis le début de l’âge adulte. Après un séjour en prison, le jeune homme s’est une nouvelle fois retrouvé sans domicile. «Quand tu quittes la prison, il te donne tes effets personnels et un billet d’autobus, mais tu te retrouves devant rien si tu n’as pas de proche qui peut t’héberger», se rappelle Jay.

 Un phare nommé le 55

 Pour les deux hommes, leur vie a littéralement changé lorsqu’ils ont utilisé les services du CAPJ. Ayant développé auparavant un lien avec Yves Labonté, le coordonnateur du 55, Jay a décidé de se rendre à l’espace d’accueil de la côte du Passage quelques semaines après s’être retrouvé à la rue.

«Ma travailleuse sociale du CLSC m’a dit d’aller au 55 et un matin, j’y suis allé. Je suis arrivé avec mon sac à dos et je suis rentré dans le bureau. On m’a accueilli avec fierté. Les personnes ici ne sont pas là pour juger les personnes ou les cas que l’on traverse, ils sont humains», partage Jay.

«Un matin, les policiers m’ont réveillé alors que je dormais près d’un lieu public. Au fil de la conversation, ils m’ont parlé du 55 et j’ai décidé d’aller découvrir ce lieu. On m’a accueilli comme un frère. Cette décision a vraiment changé ma vie», renchérit pour sa part Alain.

Grâce à l’aide de l’équipe du CAPJ, les deux hommes ont en effet pu se trouver un logement. Tandis qu’Alain s’est aussi déniché un emploi, Jay profite de ce nouveau départ pour amorcer les démarches afin d’entamer des études en techniques de gestion agricole. De plus, le jeune homme peut pratiquer l’une de ses grandes passions : le rap.

«Notre mission, c’est d’aider les personnes itinérantes qui arrivent ici à vivre des succès. Auparavant, ils sont allés partout et ils se sont rivés le nez à des portes closes ou ils devaient cocher des cases pour pouvoir obtenir le service. Ici, c’est un accueil inconditionnel», souligne Yves Labonté.

 Penser aux gens démunis

 Bien heureux que leur vie ait pris cette tournure, Alain et Jay aimeraient que les dirigeants de la Ville de Lévis et du gouvernement provincial se préoccupent davantage de l’itinérance. Pour sortir d’autres personnes de la rue, ils estiment que plusieurs actions devraient être posées, que ce soit la construction de logements transitoires, l’augmentation de la prestation mensuelle d’aide sociale, l’ouverture de davantage de lieux d’accueils comme le 55 ainsi que l’amélioration de l’acceptabilité sociable envers les personnes itinérantes.

«Arrêter de démolir les appartements pour en faire des gratte-ciels, c’est juste bon pour les fortunés. Il y a trois classes sociales, s’il n’y a pas de pauvres, il n’y a pas de classe moyenne ni de classe aisée comme ce sont les pauvres qui font vivre les autres. Il faut que ces pauvres puissent manger et avoir un toit sous leur tête», conclut Alain.

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