Par Claude Genest
En 2011, l’historienne Catherine Objois présentait au public lévisien une première synthèse de l’histoire économique lévisienne. Il s’agissait d’un projet d’écriture difficile que celui de couvrir l’histoire de l’économie lévisienne depuis ses origines. Ce travail intellectuel fut relevé avec brio, ce qui ne veut pas dire toutefois que le sujet est clos. Bref, il y a encore amplement de place pour de la recherche, car, les historiens le savent, l’histoire n’est jamais définitive.
En plus du livre de Mme Objois intitulé L’histoire économique de Lévis 1636-2011, des jalons importants de l’histoire industrielle, commerciale et financière ont au fil du temps fait l’objet de recherches approfondies. Je pense ici à la construction navale, notamment par les travaux de l’historienne d’origine britannique Eileen Reid Marcil, ou aux nombreux livres sur l’épopée financière coopérative du Mouvement Desjardins.
Et le commerce de détail dans tout cela? Le promeneur contemporain généralement en voiture voit défiler sous ses yeux une quantité de magasins et de services de toutes catégories. Sans trop s’en rendre compte, le tout s’inscrit dans une longue tradition.
Outre les échanges qui eurent lieu au temps des Premières Nations, c’est véritablement au XIXe siècle que Lévis développe sa réputation de lieu commercial. Observateur attentif de cette époque, Joseph-Edmond Roy (1858-1913) a rédigé des descriptions intéressantes de l’activité commerciale naissante, notamment dans une courte biographie d’un grand commerçant de Lévis, l’honorable George Couture (1824-1887).
Le carrefour Saint-Georges et côte du Passage, aussi connu sous l’appellation des «quatre chemins», est l’endroit où passaient «tous les habitants de l’intérieur» en route vers Québec. Selon Roy, on y trouve alors, entre autres, «des fruits, du sucre d’orge, de la petite bière d’épinette» et quoi encore.
Pour J-E Roy, une particularité de la zone commerciale d’alors ne manquait pas de frapper la curiosité du visiteur. Voici ce qu’il raconte.
«L’étranger qui visite Lévis, pour la première fois, manifeste toujours son étonnement en voyant que l’on a choisi pour l’artère commerciale d’une ville une pente aussi raide que la côte du Passage. La nature du terrain, en effet, se prête mal au débarquement des stocks et aux échanges de commerce.» Cette «bizarrerie» découle d’après lui du fait que cette artère «était la seule voie de communication pour se rendre au fleuve Saint-Laurent. C’est par là que devaient passer tous les habitants de l’intérieur se rendant au marché de Québec». Beaucoup de paysans en provenance de la Beauce passaient donc par là et le tout donnait lieu à des «foires improvisées» et les commerçants de passage, aux dires de Roy, «ne demandaient pas mieux que d’écouler leurs marchandises et de s’éviter le trouble d’une traversée ennuyeuse».
Clin d’œil de l’histoire, le bureau actuel du Journal de Lévis est situé des décennies plus tard exactement aux abords de l’ancien «quatre chemins».