Un lieu riche d'histoire
Preuve de l'intérêt artistique, patrimonial et historique que revêt ce moulin à scie, il fut reconverti, au début des années 70, en un Moulin des arts par Albert Rousseau, célèbre peintre de la région. C'est ce que l'on apprend dans un topo diffusé sur les ondes de Radio-Canada il y a à peine un an, le 7 avril 2023, dans le cadre de l'exposition d'une quarantaine d'œuvres de l'artiste au 2e étage de la salle qui porte son nom.
Ainsi, on apprend également, dans ce segment du bulletin de nouvelles, que ce peintre, grand voyageur, avait utilisé plusieurs médiums au cours de sa prolifique carrière, de l'aquarelle à l'acrylique, en passant par le crayon chinois et la peinture à l'huile; tous avaient contribué à ce qu'il puisse illustrer et démocratiser des paysages de chez-nous. On y entend même son fils, Yves Rousseau, mentionner que «son père cherchait la meilleure façon de transmettre ses émotions (par son art)», et que «peindre, pour lui, c'était sa façon de respirer».
On y souligne aussi qu'il s'agit de l'un des pionniers à avoir, sa vie durant, cherché à rendre accessible au public la pratique artistique. Comment est-on censé, ensuite, laisser mourir, en le démolissant bêtement, le bâtiment catalyseur d'une bonne partie de l'énergie créatrice de ce grand peintre? C'est absolument contraire à toute logique. N'a-t-on aucun respect envers l'histoire, au Québec? Est-il nécessaire de retirer toute valeur à l'histoire en effaçant les traces des réalisations de ceux qui nous ont précédés?
Il n'est pas si difficile, pourtant, de voir, dans le Moulin Gosselin, un fort potentiel de partage de connaissances historiques et artistiques, alors qu'il pourrait facilement être rénové, à l'aide de subventions du ministère de la Culture et des Communications, ou encore de commandites de particuliers du domaine de la construction. Il suffit, pour concrétiser le tout, que soit partagée le plus largement possible la vision de projets futurs dont il pourrait faire l'objet. C'est ce dont je vous fais part, quelques paragraphes plus bas.
Il existe par ailleurs plusieurs sites ou bâtiments historiques dans la région de la Chaudière-Appalaches qui ont connu une seconde vie, ce qui a permis d'instruire la population sur de nombreux sujets à caractère historique et sociologique. Que l'on songe seulement au lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais.
Comité de relance du site de la Grosse-Île et du Mémorial-des-Irlandais par Parcs Canada
D'ailleurs, c'est inspirée par mon père, qui avait, il y a plusieurs années, fait partie d'un comité de relance et de valorisation du patrimoine historique de ce site, que j'ai décidé de vous exposer sommairement l'un des projets potentiels que je vois pour la relance du Moulin Gosselin.
En effet, mon père, Claude J. Roberge, avait fait partie d'un comité de relance de ce site historique, avec feu l'historienne Marianna O'Gallagher, à qui l'on doit les démarches pour la mise en valeur du Mémorial de la Grosse-île par Parcs Canada. Elle était par ailleurs, de son vivant, l'historienne considérée, au Canada comme à l'étranger, la personne de référence pour tout ce qui a trait à l'histoire de l'immigration irlandaise au Québec, et fut décernée chevalière de l'Ordre national du Québec en 1998, la plus haute distinction décernée par le gouvernement du Québec.
Comment pourrait être reconverti le Moulin Gosselin?
En somme, tout comme a connu une seconde vie le Mémorial-des-Irlandais, le Moulin Gosselin pourrait facilement redevenir un lieu de création pour les artistes de la région, mais aussi un centre d'interprétation historique, au sein duquel pourraient travailler des historiens de l'art, mais aussi des comédiens, qui retraceraient l'histoire familiale du peintre lévisien Albert Rousseau.
Il y a beaucoup à dire au sujet de ce pionnier de l'art. Il y aurait également possibilité de reconvertir l'une de ses sections en théâtre, en invitant les auteurs et metteurs en scène du Québec à monter une pièce sur la vie de l'artiste, toujours dans le respect des membres de la famille encore vivants, va sans dire. Pourquoi pas créer un prix, attribué par un jury formé de gens de théâtre et d'artistes de la région, pour la meilleure pièce ainsi créée?
Il serait aussi possible d'y offrir des cours d'aquarelle, d'acrylique, de crayon chinois ou de peinture à l'huile, en sollicitant les talents de peintres de la région, avec l'accord et l'appui des membres toujours vivants de la famille Rousseau. Par ailleurs, rappelons-nous que de nombreux autres sites au Québec ont été créés afin de valoriser les événements historiques liés à certaines époques, que l'on songe, par exemple, au Village québécois d'antan, au site historique de Val-Jalbert, à la Maison Alphonse-Desjardins ou encore au musée de la Petite Maison blanche, à Chicoutimi, pour ne mentionner que ceux-là.
De grâce, demeurons fiers de notre histoire, au Québec, que celle-ci concerne l'art, la résilience aux catastrophes naturelles, comme le rappelle la fière petite Maison blanche de Chicoutimi, ou encore une ère industrielle révolue, comme l'industrie des pâtes et papiers, au cœur du village de Val-Jalbert, au début du vingtième siècle. Rendons s'il vous plaît hommage à notre chère devise québécoise, Je me souviens, qui, en 2024 et depuis plusieurs années, perd malheureusement trop souvent son sens...
Si la sauvegarde de cette infrastructure vous tient à cœur, rendez-vous au www.leslignesbougent.org, et cherchez la pétition Opposition à la démolition du Moulin Gosselin, à Saint-Étienne-de-Lauzon, où a vécu le peintre Albert Rousseau.
Geneviève Riel-Roberge
Originaire de Charny, quartier que j’ai habité 25 ans durant