AGRICULTURE. Les terres agricoles se vendent de plus en plus cher. Au Québec, selon un rapport de Financement agricole Canada (FAC) présenté le 13 mars, la valeur des terres en 2022 a progressé de 11 % par rapport à 2021.
En Chaudière-Appalaches, cette variation entre 2021 et 2022 représente une hausse de 13,5 %. Ainsi, la valeur des terres à l’acre se situait en moyenne à 6 900 $. Et, 90 % des terres vendues valaient de 2 000 $ à 12 000 $.
Par ailleurs, selon le rapport de FAQ, au Québec, la valeur des terres cultivées est en hausse constante depuis 37 ans. En 2022, la province a enregistré une augmentation de 11 %, après avoir progressé de 10 % en 2021 et de 7,3 % en 2020. Ces hausses ont surtout été observées dans la première moitié de l’année, puis ont progressé à un rythme plus modéré dans la seconde moitié de l’année.
«Les conditions économiques difficiles auraient pu ralentir la demande de terres agricoles et donc faire baisser le prix payé pour ces terres en 2022, explique Jean-Philippe Gervais, économiste en chef à FAC. Toutefois, les facteurs fondamentaux sous-jacents du marché des terres agricoles dressent un portrait bien différent.»
Ainsi, FAC estime que les recettes tirées de la production de céréales, d’oléagineux et de légumineuse au pays ont augmenté de 18,3 % en 2022 et devraient croître encore de 9,4 % en 2023.
«La hausse des recettes agricoles stimule la demande de terres agricoles, mais les coûts d’emprunt et les prix des intrants plus élevés devraient se traduire par une baisse des ventes en 2023», poursuit M. Gervais.
Ce dernier ajoute que cette augmentation de prix peut représenter un défi pour les jeunes producteurs, les nouveaux agriculteurs et propriétaires qui souhaitent faire prendre de l’expansion à leur exploitation.
«Aujourd’hui, le prix des terres par rapport au revenu est plus élevé que jamais. La capacité à assurer le service de la dette et la valeur nette globale des exploitations sont des facteurs de réussite essentiels pour l’avenir. La bonne nouvelle est que les hausses de la valeur des terres agricoles reflètent des perspectives positives pour la demande de produits agricoles et les aliments de qualité que nous produisons au Canada.»
Une augmentation qui deviendra problématique
L’augmentation de la valeur des terres agricoles n’est pas un phénomène qui est près de s’arrêter. C’est ce qui inquiète le président l’Union des producteurs agricoles (UPA) de Chaudière-Appalaches, James Allen.
Selon le secteur de la Chaudière-Appalaches, le coût à l’acre peut varier considérablement et ce sont tous les secteurs de production qui sont touchés.
Par exemple, dans la MRC de Bellechasse, les terres situées au nord de la région ont des valeurs qui peuvent avoisiner les 12 000 $ à 16 000 $ l’acre. Au sud, les terres ont un coût moindre. Tout dépend de la présence d’élevage sur un territoire. «Moins il y a d’animaux qui sont présents, plus le coût sera bas», a-t-il expliqué.
Plusieurs raisons expliquent la hausse, rappelle-t-il. Autant la hausse du prix du grain provoqué par la guerre en Ukraine que le moratoire sur les superficies en culture ont contribué à cette appréciation de la valeur. Il rappelle que pour agrandir une production, les agriculteurs doivent se procurer de nouvelles terres. «Lorsqu’il y a une terre à vendre, nous sommes plusieurs à vouloir l’acheter», note-t-il.
Il ajoute qu’un nouveau joueur viendra brouiller les cartes de plus en plus dans les années à venir. Les compagnies seront plus nombreuses à acheter des terres agricoles pour les reboiser afin de compenser leurs émissions de carbone.
«C’est un danger de perdre des superficies en culture que ce soit pour nourrir les animaux ou le maraîcher. Cette terre, elle est perdue puisque le seul moyen d’obtenir des crédits carbone, c’est en reboisant», a-t-il illustré.
Il ajoute que des membres de la région des Appalaches ont commencé à observer ce phénomène. «Ma crainte, c’est que ça va s’accentuer.»
Relève
Tout ça n’est pas de bon augure pour la relève, s’inquiète James Allen. L’augmentation des prix fera chuter les occasions pour les agriculteurs de la relève qui veulent se lancer en affaires.
«Elle n’aura pas les moyens d’acheter à ces prix. On vient encore une fois tasser la relève parce qu’elle n’est pas capable d’acheter des terres. Avec les prix d’aujourd’hui, peu importe ce qui sera cultivé, ce sera difficile de le rentabiliser.»
Pour maintenir une relève agricole, James Allen croit qu’il faudra réinventer les façons de faire pour les transferts de terres, apparenté ou non. «Nous devrons être innovants pour trouver la façon de léguer un bien à l’autre génération sans qu’elle soit obligée [de se surendetter]», a conclu le président de l’UPA de Chaudière-Appalaches.